Retour réflexif

sur les processus clés de l'apprentissage


Psychologie cognitive

INTRODUCTION

L'apprentissage est un processus faisant intervenir des mécaniques nombreuses et complexes au niveau du cerveau. En s'appuyant sur les résultats des neurosciences cognitives, Stanislas Dehaene, docteur en psychologie cognitive et professeur au Collège de France, énonce quatre facteurs jouant un rôle important sur la vitesse et la facilité d'apprentissage : l’attention, l’engagement actif, le retour d'information et la consolidation. Dehaene (2018) explique dans son ouvrage “Apprendre ! : les talents du cerveau, le défi des machines”, que lorsque l’on doit apprendre, et notamment dans un délai court, alors les quatre piliers qu’il propose sont des clés de réussite.

PARTIE 1

L’attention est “l’ensemble des mécanismes par lesquels notre cerveau sélectionne une information, l’amplifie, la canalise et l’approfondit”. Il explique que dans le cerveau se mettent en place des mécanismes qui permettent de trier toutes les informations qui lui arrivent. Il est donc important de réussir à garder l’attention des stagiaires au maximum. Cela est presque impossible sur une formation de deux jours par exemple, c’est pourquoi répéter les informations clés ou interpeller les stagiaires par leur prénom sont des astuces qui permettent de réorienter l’attention. Il est intéressant également de garder à l'esprit les résultats des études de Simons et Chabris (1999) qui mettent en évidence deux exemples d’impact que l’attention sélective peut engendrer. D’une part, la "cécité d'inattention" qui survient lorsque nous sommes engagés profondément dans une tâche. Les stimuli qui paraissent non pertinents peuvent devenir totalement invisibles. Et d’autre part, la "cécité au changement" ; si l'attention est focalisée sur un point en particulier, on peut ne pas détecter un changement survenu même s'il est important (Simons & Levin, 1998). L’illustration la plus parlante et connue est une vidéo de test de l’attention où il est demandé au spectateur de compter le nombre de passes que va effectuer une des deux équipes de basket à l’écran. La plupart des personnes qui réalisent ce test ne verront pas qu’un gorille fait irruption dans la scène.

Concernant l’engagement actif, il n’est pas question de parler de mouvement physique, mais bien d’entrer dans des processus de raisonnement, d’analyse, de réflexion. On parle d’engager activement son cerveau dans ce que l’on est en train d’apprendre. Lorsque l’on ajoute un degré de difficulté à l'apprentissage, il devient plus efficace. Dehaene (2018) propose d’attirer la curiosité pour engager activement un stagiaire, de le surprendre et de lui donner envie de découvrir le sujet, mais de garder à l’esprit que la curiosité s’estompe au fur et à mesure de la découverte, et qu’il faut donc donner envie d’en savoir plus constamment.

Quant au troisième pilier, celui du retour d’information, il explique que l’erreur est indispensable pour apprendre. En effet, des mécanismes de correction se mettent en place pour progresser. Lire une phrase qui “n’a pas de sens”, c’est savoir sans s’en rendre compte qu’elle n’a pas de sens. Mais l’erreur permet un apprentissage efficace à la seule condition que l’on comprenne où et pourquoi on s’est trompé et quelle est la bonne réponse. Le feedback est donc un pilier indispensable, à condition qu’il soit clair et objectif. L’auteur explique que le test est donc une des méthodes essentielles pour travailler sur ce troisième pilier. En effet, il demande à ce que le stagiaire soit attentif, engagé pour pouvoir vérifier ses connaissances ou compétences, et dès lors qu’il se trompe, un feedback immédiat, qu’il soit automatique ou donné par le formateur corrige sa compréhension et favorise donc l'apprentissage. Dehaene (2018) préconise qu’il est important de tester à intervalles réguliers et pas uniquement en fin d’apprentissage. Ainsi, en ayant conscience d’avoir acquis une première brique, le cerveau est davantage mobilisable pour la seconde et ainsi de suite.

Enfin, concernant le quatrième pilier, la consolidation, c’est celui qui permet à l’apprentissage de s’ancrer dans notre cerveau par l’acquisition d’automatismes. Une fois que certains éléments sont automatisés, et donc mémorisés à long terme dans l’inconscient, cela libère de la place en quelque sorte pour pouvoir apprendre de nouvelles choses.

PARTIE 2

Déro & Fenouillet (2017) développent une argumentation sur le rapport entre l’apprentissage et la mémorisation. La façon dont on mémorise les informations nouvelles impacte notre apprentissage et la façon dont on apprend impacte notre façon de mémoriser. Dans le cerveau une multitude de mécanismes interviennent lorsque l’on est en “apprentissage” : des fonctions de métacognitions, à la mémorisation, en passant par les aspects motivationnels ou attentionnels. Tous ont un objectif commun : élargir, modifier, faire évoluer nos savoirs, savoir-faire et savoir-être. Stordeur (2014) explique la mémorisation et l’apprentissage en se basant sur les mécanismes du système neuronal. Selon lui, si les informations ne sont pas répétées, les modifications qui ont lieu dans les synapses ne se pérenniseront pas. L'acquisition de nouvelles connaissances ou compétences passerait par trois étapes : ➔ On comprend : l’information arrive jusqu'aux neurones où sera traitée l’information, ➔ On apprend : nouvelles connexions et modification des synapses, ➔ On mémorise : modification des synapses stabilisée.

Certains résultats montrent que l’on retient mieux en fonction de ce que l’on voit, de ce que l’on entend ou de ce que l’on fait. Wibaut (2019) s’appuyant sur les résultats des travaux de Standing (1973) rappelle que les images seraient mieux mémorisées que les mots. Mais Déro & Fenouillet (2017) viennent nuancer ce résultat en rappelant l’expérience menée par Lieury (1996) qui montre que des élèves obtiennent de meilleurs scores d’apprentissage via la lecture d’un texte en autonomie (38 %) que via une vidéo projetée à l’écran où ils sont en position de spectateurs (11,5 %). Selon Lieury, l’élément clé réside dans la possibilité pour l’apprenant de pouvoir maîtriser le contenu de la ressource et l’intégrer en mémoire à son rythme. La vidéo mise à disposition de l’apprenant répond de cette façon à ce besoin, puisqu’il peut la mettre en pause, revenir en arrière, la ralentir, etc…

Mais que se passe-t-il concrètement dans le cerveau pour que l’on mémorise des informations ? Atkinson et Shiffrin (1968) mettent en lumière les notions de mémoires sensorielles, à court terme (MCT) et à long terme (MLT). Eustache & Desgranges (2008, 2012) proposent le modèle MNESIS (Modèle néo structural intersystémique de la mémoire humaine) issu des résultats de Tulving (1995). Déro & Fenouillet (2017), quant à eux, proposent un schéma au carrefour des nombreuses théories : “Mémoriser, c’est encoder l’information à long terme”.

Les mémoires sensorielles stockent des informations apportées par les stimuli externes (mémoire visuelle, mémoire auditive principalement). Lorsque ces informations sont captées par la mémoire perceptive qui appartient à la MLT, elles sont inconsciemment directement mémorisées. Comme le souligne Stordeur (2014), une information captée inconsciemment par cette mémoire faciliterait sa reconnaissance ultérieurement, c’est l’effet d’amorçage. Autrement dit, les informations passent des mémoires sensorielles à la MCT. La mémoire de travail (MDT) va alors chercher dans la MLT des informations antérieures, permettant de créer des liens avec ces nouvelles informations (c’est l’encodage) pour que ces informations, positionnées dans un réseau interconnecté puissent être stockées ultérieurement dans la MLT. La MDT permet aussi le processus inverse, la récupération. La récupération en mémoire active un réseau interconnecté qui en reliant différentes informations permet de rappeler une notion, un souvenir, un mot, une image (Stordeur, 2014), d'où l'importance de l'encodage amont. Plus l’information est associée à d’autres concepts, plus elle sera facilement “récupérable”. Déro & Fenouillet (2017), expliquent que les informations mémorisées antérieurement peuvent être modifiées lors de ce processus. La MCT a un stockage limité et est sensible aux interférences et donc à l’oubli. Lors du de processus d'association des informations nouvelles aux informations antérieures, les informations sont alors encore fragiles. Le fait de comprendre les informations à mémoriser, de construire des modèles autour d’elles, de les tester permet d’ancrer les informations, c’est la phase de consolidation. Seule la répétition de ces informations comprises, et apprises, permettrait le passage dans la MLT. Avec une structure en quatre composantes dans la MDT , chaque apprenant présent lors d’une même formation fera appel à des stratégies de mémorisation propres (Déro & Fenouillet, 2017).

Les informations sont différemment stockées dans la MLT selon qu’elles soient explicites ou implicites. Les informations explicites, déclaratives sont contrôlées par l’apprenant et majoritairement mobilisées en formation. Si elles concernent ce qui est vécu, elles seront stockées dans la mémoire épisodique. Si elles concernent ce qui est su, ce sera dans la mémoire sémantique. Si, au contraire, elles sont implicites, non déclaratives, le mécanisme est inconscient. Si ce sont nos automatismes cognitifs inconscients, comme nager, faire du vélo, ils sont stockés dans la mémoire procédurale. On trouve également dans cette mémoire implicite ; la mémoire de conditionnement, l’effet d’amorçage et la mémoire perceptive.

Déro & Fenouillet (2017) proposent en fin de discussion des éléments pour faciliter la mémorisation et donc l’apprentissage. Nous en retenons certains qui nous semblent pertinents dans notre contexte. Côté apprenant : prendre des notes, faire des cartes heuristiques. A ce sujet, Stordeur (2014) considère que les moments de synthèse en fin de chapitre par exemple, sont “l’occasion de réorganiser les données, de les compléter ensuite en les confrontant avec ses voisins de groupe et avec les données de l’enseignant. C’est le véritable moment d’apprentissage”. Côté formateur, proposer des supports d’apprentissage qui montrent clairement la structure du contenu pour faciliter l’encodage et la récupération, répéter les informations clés de façon différente, encourager l’interaction entre les apprenants et proposer des moments d’autoformation. La motivation, avoir un objectif de réussite ou encore l’état émotionnel, sont des éléments impactant également les processus mnésiques .

Lorsque l’on parle de la mémorisation, un phénomène inverse est indissociable : l’oubli. La courbe de l’oubli d’Ebbinghaus (1885) a été largement critiquée de par la méthode utilisée, bien que de nombreux auteurs lui font encore référence aujourd’hui. Wibaut (2019) s’appuyant sur (Brown 1958 & Peterson 1959) parle de “l’oubli par estompage” qui intervient si la répétition et donc la consolidation ne sont pas suffisantes. Selon le guide de la formation professionnelle en entreprise : “sans mise en pratique immédiate et régulière des acquis de la formation, il n’en reste rien en quelques semaines”.

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